La danse et le mental

Je ne vous cache pas que rédiger un post comme celui-ci en français me semblait une tâche bien difficile… Pour le coup il faudra m’excuser si le français n’est pas toujours bon ou semble un peu anglais parce-que bon, traductrice n’est pas mon métier…


Il y a quelques mois je rédigeais (en anglais) un premier blog sur la thématique de la danse et “le mental” ou notre état d’esprit, notre bien être psychologique. Mon but était d’explorer le lien entre nos pensées et notre processus créatif en tant que danseurs(euses) (ou artistes). Je partais du principe que les deux sont étroitement liés et que ça avait un effet sur notre capacité à nous sentir “libres”.  Que ce soit libre dans notre vie professionnelle, personnelle, ou dans d’autres rôles que nous jouons, c’était le rapport que je cherchais à comprendre. 

Si on est pris d’un moment de doute, qu’on se sent angoissé ou déprimé, quel est l’effet sur notre processus créatif? Et dans mon cas: comment est-ce que mes pensées me contrôlent lorsque je danse? Je voulais explorer le sujet plus en profondeur, et en particulier en rapport avec la danse freestyle (ou improvisation). J’ai longtemps eu du mal à me sentir à l’aise, et c’est depuis peu que j’y prends plaisir. J’ai donc décidé de faire appel à d’autres personnes en créant un questionnaire, et nous voici.

Je vous conseille de sortir l’apéro (ou préparer le café) car ça va être long!

Pourquoi regarder de plus près cette connexion entre le freestyle et le psychisme?

Image par Headspace

Je me suis aperçue que ce qui me retenait le plus lors d’un passage freestyle était mes propres pensées. Mes craintes, mon auto-critique, le jugement de moi-même, le perfectionnisme etc. Lorsque je subissais tout ça je me suis posée la question: est-ce qu’il y a d’autres personnes qui ressentent ça? Et pourquoi est-ce que nous ressentons ceci?

J’ai aussi constaté que mon premier blog avait parlé à d’autres personnes. Depuis, j’ai eu pas mal de discussions à ce sujet qui ont confirmé cette penseée. Certaines personnes se prennent encore trop la tête avec une image de ce qu’elles “devraient” être ou “devraient” accomplir. Et d’autres ont déjà fait plus de chemin, se sentant désormais plus libres, ressentant moins la pression et ce type de pensée négative.  

Parmis ces discussions j’ai retrouvé un fil conducteur: au début les personnes se sentaient frustrées. Elles ne faisaient pas assez de progrès, n’étaient pas au niveau qu’elles souhaitaient, ne s’entraînaient pas assez (toutes des pensées que j’ai eu), voir même dans certains cas on leur a dit qu’elles n’étaient pas assez douées. Au final les frustrations qu’elles ressentaient etaient peut-etre bien ce qui les empêchait de progresser. 

En revanche les personnes qui commençaient à se défaire de ce genre de pensées semblaient mieux se porter. Elles paraissaient plus libres, n’ayant plus de croyances limitantes qui ne leur servait à rien. Peut-être qu’elles s’étaient libérées de leur propre jugement? En tous cas, ça se sent lorsque vous parlez à une personne de leur expérience, qu’un poids s’est levé.

C’est ce qui m’a poussé à explorer le sujet en profondeur, et je suis allée chercher loin! Mes études de philo au lycée (qui eut cru qu’un jour je me replongerais la dedans), la psychologie et le Bouddhisme! 

Le rapport entre le mental et nos capacités artistiques 

Comme indiqué, je suis allée chercher loin et ça a révélé pas mal de choses. Cependant je vais essayer de faire au plus simple.

Notre image de nous-memes

Pour résumer notre “moi” ou notre ego, et comment nous le percevons, est une image complètement fabriquée. C’est une histoire que nous nous racontons à propos de notre identité qui commence lorsqu’on est jeunes et qui se construit autour de choses telles que notre sexe, notre ethnicité, notre nationalité etc. Cet ego est aussi grandement influencé par notre culture et l’environnement dans lequel nous nous trouvons. C’est un concept externe lié à notre être intérieur, qui est simplement le corps que nous habitons. 

L’ego se préoccupe avec plein d’histoires: qui nous sommes, notre place dans la société, qui nous voulons devenir, comment nous améliorer etc. Il est là pour nous aider à survivre et à nous adapter aux circonstances de nos vies. 

Ajoutons à cela, le fait que dans notre société Occidentale nous sommes conditionnés à constamment vouloir nous améliorer. Ce concept de vouloir devenir une version superieur de nous mêmes remonte à la Grèce Antique, c’est donc complètement ancré dans nos êtres, comme dans nos cultures (pour plus d’informations vous pouvez lire le livre “Selfie – how the West became self-obsessed”. Je n’ai pas trouvé de traduction française)

Le rapport entre l’ego et la créativité

Lorsqu’on comprend ce dont je vous parle ci-dessus, les difficultés que nous rencontrons en tant que danseurs(euses) (ou artistes) commence a avoir un sens. Ou du moins pour moi ça a été un déclic. Pourquoi? Parce-que pour commencer, nous essayons constamment de nous améliorer et nous surpasser. 

Deuxièmement, notre cerveau est en train de nous raconter plein d’histoires à propos de qui nous sommes, qui nous voulons être et qui nous devrions être. Lorsqu’il s’agit d’être un(e) artiste, ce qui est souvent une part de notre identité assez forte, notre ego nous dit que nous devons perfectionner notre art, devenir “le/la meilleur(e)”, “maîtriser” le style et ainsi de suite. L’ego mène une discussion tellement persistante qu’il nous est difficile de l’ignorer.  

C’est comme ça que nous nous retrouvons à la case départ. Comment arriver à couper le brouhaha, et juste “être”? Exister, tout simplement. (C’est par ailleurs ce que veut le Bouddhisme, raison pour laquelle la médiation est un pilier important de leur religion). 

Quelles étaient mes hypothèses à propos de l’influence du mental sur notre danse (ou expression artistique)?

A travers le questionnaire que j’ai créé je voulais essayer de mieux comprendre comment d’autres danseurs(euses) arrivent à se sentir libres lorsqu’ils font du freestyle ou improvisent afin qu’ils puissent pleinement profiter de l’instant présent. Et arriver à comprendre quel impact ça avait sur le mental (ou vice versa). 

En développant le questionnaire j’avais plusieurs hypothèses que je voulais tester:

  • Que le freestyle permettait aux danseurs(euses) de se libérer des conventions et se sentir sans limites. Ou que ça permettait aux personnes de se “dé-scolariser”
  • Que les gens se sentaient inhibés par
    • La peur du jugement/regard des autres
    • Le jugement de soi-même ou l’auto-critique
    • Qu’ils réfléchissaient trop/se prenaient la tête
  • Que lorsque les gens arrivaient à se connecter avec le freestyle/l’improvisation, ils se sentaient plus connectés à eux-memes grâce à l’expression libre, contrairement a quelque-chose de plus défini
  • Que la capacité à lâcher prise en faisant du freestyle est fortement liée au développement personnel et notre vie en dehors de la danse
  • Que lorsque l’on n’est pas dans un bon état psychologique, nous n’arrivons pas a creer

Je ne regrette pas d’avoir développé ce questionnaire car mes hypothèses n’étaient pas toutes correctes. Au total j’ai reçu 13 réponses en français et en anglais, toutes anonymes. Je ne sais donc pas s’il s’agissait d’hommes ou de femmes, de danseurs(euses) expérimenté(e)s, ou quel était leur style de prédilection.

Les tendances generales

Etonnamment les objectifs premiers des personnes en faisant du freestyle étaient:

  • De se laisser porter et d’être dans l’instant présent – 76%
  • Suivi par “m’exprimer librement sans réfléchir” – 69%

La plus grande crainte ou ce qui retenait les personnes était:

  • Le jugement/regard des autres – 70%
  • Le jugement de soi – 61%

En faisant du freestyle, les personnes ressentaient principalement

  • Un sentiment de liberte – 77%
  • Être pleinement dans le moment present – 77%

Les réponses étonnantes

J’étais contente de voir qu’il restait encore 30% et 29% de personnes qui n’étaient pas touchées par ces craintes. Autre surprise positive: 77% des gens arrivaient à se sentir libres et vivaient l’instant présent lorsqu’ils faisaient un freestyle (ou entraînement libre). Je suis bien sûre contente de ces résultats, mais je m’attendais à ce que plus de personnes aient des difficultés et de ce fait, ne puissent pas donner ce genre de réponse. 

Enfin, certaines personnes ont dit qu’elles n’avaient aucune difficulté avec le freestyle ou l’entraînement libre, ce qui a complètement détruit mon hypothèse que c’était difficile pour tout le monde. Mais c’est une bonne nouvelle! 🙂 Certaines personnes ont déjà confiance en elles, se sentent bien dans leur peau, ne reflechissent pas trop, et c’est tant mieux!

Ce que vous pouvez faire afin de vous sentir plus “libres”

Si vous m’avez suivi jusque la vous êtes un héro, ou peut-être que vous avez sauté en bas de page, c’est bien aussi. 😉

Tout ce que je viens de décrire ainsi que mon expérience personnelle m’a donné le temps de réfléchir. Il me semblait donc normal de partager certaines idées de ce que vous pourriez faire, si vous vous sentez un peu bloqués et voulez aller de l’avant. 

  • Rappelez-vous que vous êtes maîtres de vos pensées, et non l’inverse. Notre image de nous même est complètement inventée, et bien que ça puisse paraître étrange ou difficile à comprendre, utilisez cette information pour vous rappeler que lorsque vous doutez, ou que vous n’arrivez pas à exécuter un mouvement, ce n’est pas vraiment important. Vous contrôlez le discours que vous vous racontez donc essayer de le transformer. Souvenez-vous de ce que vous avez accompli jusqu’à présent, en tant que danseur(euse) ou artiste. Qu’avez-vous appris? Ou se trouvent vos compétences?
  • Soyez indulgents envers vous-memes. Nous avons tous tendance à nous critiquer, cette voix qui nous dit que nous “devrions être meilleurs” ou “devrions nous entraîner plus souvent”, et ainsi de suite. Remplacez le mot “devoir” avec “j’ai envie de” et observez le changement. Permettez vous d’être “nul” ou de galérer, d’être un(e) débutant(e) dans certains domaines. Et ne vous en voulez pas.
  • Trouvez ou créez un espace dans lequel vous vous sentez en sécurité, afin de vous entraîner. Et par ceci je n’entends pas une sécurité physique mais plutôt psychologique. Un endroit ou vous n’avez pas peur d’êtres vous-mêmes et pouvez vous exprimer librement. Peut-être que c’est danser seul, chez vous, pour commencer. Ou alors, avec un petit cercle d’amis en qui vous avez confiance et dont le jugement ne vous fait pas peur. Ou encore dans un coin sombre d’une boite de nuit ou personne ne vous verra. Quoi que ce soit, trouvez cet espace qui vous permettra de vous développer.
  • Cherchez ce qui vous inspire. Pourquoi est-ce que vous dansez? Est-ce que c’est la musique qui vous parle, la manière dont vous arrivez à bouger, l’expression de soi, le lâcher-prise? Peu importe ce qui vous a fait commencer, souvenez-vous en. Cherchez à vous connecter avant d’improviser, et gardez la connection. Ne démarrez pas en vous disant “il faut que je suis bon en freestyle” mais plutôt “je veux profiter pleinement de ce moment et de la musique”. 
  • Prenez du recul. Souvenez-vous que même les meilleurs danseurs(euses) ont dû commencer quelque-part. Aucun d’entre eux est né en étant le/la meilleur(e) dans sa discipline, en gagnant des battles ou en se reproduisant sur de grandes scènes. Tout comme vous, ils ont mis du temps et ont beaucoup travaillé pour arriver la ou ils en sont. Et il est très probable qu’ils traversent les mêmes difficultés que vous et ne sont pas toujours satisfaits de ce qu’ils voient. Donc plutôt que de vous comparer, rappelez-vous qu’ils ont eux aussi traversé des difficultés.
  • Appreciez le processus. Oui parfois ça sera difficile, mais n’oubliez pas que vous êtes en plein apprentissage, et qu’apprendre ça a du bon. Vous développez de nouvelles compétences, créez des nouvelles connexions dans votre cerveau, explorez le mouvement et des nouvelles façons de vous exprimer. Lorsque vous vous sentez frustrés, prenez du recul et prenez le temps de vous rendre compte que vous êtes en plein apprentissage. C’est votre courbe de croissance.
  • Ne laissez pas le perfectionnisme vous empêcher d’être “bons”. Pour ceux d’entre nous qui sommes perfectionnistes, ça fait partie de notre combat. Nous voulons sans cesse être meilleurs qu’avant, le/la meilleur(e), nous surpasser… Mais parfois c’est épuisant. Afin d’arrêter ce schéma de pensées, essayez de vous poser des questions telles que “comment est-ce que je saurais lorsque ça sera assez bien?” et “que represente bien”? Ça peut vous aider à prendre du recul et à lâcher prise. 
  • Parlez aux autres. N’oubliez pas que vous n’êtes pas seul(e). Posez des questions, partagez votre expérience avec d’autres, renseignez-vous sur ce que ces personnes ont fait pour surmonter ça. Tout peut vous aider.

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emmacdo

Currently working in marketing and comms in Amsterdam. Passionate about all things digital, writing, dancing, travelling and much more. Mental health blogger and advocate.

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