Histoire vraie: la psychose post-partum

Attention! Ce texte peut paraître invraisemblable mais il s’agit réellement d’une histoire vécue par quelqu’un.

Il se peut que ce texte soit difficile à lire si vous êtes maman, enceinte ou souhaitez avoir des enfants. Si vous pensez que ce text peut vous troubler, ne le lisez pas ou alors prenez les précautions nécessaires en le lisant avec quelqu’un.

Qui es-tu et pourquoi la volonté de partager ton histoire?

Je m’appelle Aurélie, je suis maman de 3 enfants et éducatrice. Après la naissance de mon premier fils, j’ai connu la pire tempête de ma vie.  J’avais envie de relater mon expérience car, si le baby blues lui, est bien expliqué par le monde médical, le sujet de la dépression post-partum reste encore tabou dans notre société. 

La psychose post-partum quant à elle, est carrément inconnue pour la plupart d’entre nous. Pourtant, un nombre non négligeable de mamans connaissent un épisode dépressif après la naissance d’un enfant et leur entourage n’est pas toujours capable de le déceler ni de comprendre ce que cette maman peut traverser.

Avant l’accouchement 

Pour commencer, je vais résumer ce qui m’a amené à vivre une psychose post-partum puis, je vais parler de ce que j’ai vécu avec le regard que je portais sur le moment. 

Avant de tomber enceinte, je n’ai jamais souffert de dépression. De part ma formation, j’étais consciente que le moment de la grossesse et celui d’après la naissance pouvaient être difficiles mais je ne faisais pas partie des groupes « à risques » dû à d’éventuels antécédents. 

J’ai tout d’abord vécu une fausse couche à 5 semaines d’aménhorrée ; cela ne n’a pas particulièrement affecté mon moral mais j’ai vécu la grossesse de mon fils avec la constante peur de le perdre. Avant chaque échographie, j’avais une petite angoisse qui montait et je n’arrivais pas à m’enlever complètement de la tête qu’il y avait toujours un risque que la grossesse se stoppe à tout moment. 

Heureusement, d’un point de vue médical, cette grossesse s’est déroulée sans problème et je désirais accoucher en maison de naissance et profiter avec mon mari des premiers instants de vie de notre bébé. Dans cet établissement, le papa peut rester dormir 2 ou 3 nuits avec la maman et le bébé, chose impossible en milieu hospitalier. J’étais donc prête à accoucher sans anti douleur pour pouvoir vivre dans cette bulle privilégiée les premiers jours. 

L’accouchement 

Après 36 heures de travail intense et 2 nuits sans sommeil, je me dirige vers une troisième nuit blanche et je suis alors transférée à l’hôpital, totalement épuisée. « Pas capable »… voilà donc les mots qui me traversent la tête à ce moment. Mon corps me joue des tours et je ne serai pas de ces mamans qui accouchent sans anesthésie et en une dizaine d’heures.

Puis vient le moment de la naissance et je fais une grosse hémorragie. Je suis séparée de mon fils et je dois aller au bloc opératoire. Sur le trajet de la salle d’opération, je vois l’inquiétude du personnel hospitalier et à un certain moment, je me sens partir. J’ai juste le temps de l’indiquer à l’infirmière puis trou noir total.

Je me réveille dans la salle de réveil, je suis consciente de ce que je viens de vivre, je sais où je suis et je pense à mon bébé que j’ai abandonné quelques étages plus hauts, mon bébé à qui je n’ai pas pu offrir ce moment de calme et de peau à peau après la naissance. J’ai failli dans mon rôle de mère… « pas capable »… il va certainement ressentir un manque. En plus, je peine un peu à réaliser, durant les premiers jours, que cet enfant est mon bébé. Je suis tellement habituée à m’occuper d’enfants qui ne sont pas les miens que c’est un peu compliqué pour moi de me rendre compte que dans mes bras cette fois, c’est bien le bébé qui a occupé mon ventre durant 9 mois et pour qui je me suis fait tant de soucis.

L’arrivée de la psychose post-partum… 

Je suis un vrai zombie, « pas capable » de m’occuper de mon bébé comme je le voudrais. Je pleure tous les soirs, j’en parle avec mon mari, je suis sous le choc, je suis passée à quelques doigts de la mort. Je dois mon salut au fait de vivre dans un pays où le système sanitaire est performant. Si j’avais accouché seule chez moi, dans un pays où il n’est pas possible d’avoir facilement accès aux soins ; je ne serais plus là et mon fils aurait été orphelin. 

En parallèle, mon autre rêve s’envole également. Celui de l’allaitement. J’aimerais allaiter mon bébé au moins 6 mois et de manière exclusive au début mais je dois me rendre à l’évidence, quelque chose ne va pas. Mon bébé ne grossit pas malgré tous les efforts mis en place, il faut donc compléter avec du lait en poudre, « pas capable » ces mots reviennent à moi. La survie de mon enfant dépend donc d’autres individus comme les vaches… ma confiance en moi en reprend un coup. Et mon entourage ne me comprend pas, pourquoi suis-je si triste par rapport à cela, les biberons feront très bien l’affaire! Sauf que pour moi, le fait de devenir maman passait par l’allaitement. 

Un vendredi, la sage femme passe chez nous en fin de journée et elle m’annonce qu’il y a effectivement un problème, que je ne pourrai certainement jamais allaiter mes enfants comme je le voulais et qu’il faudrait songer au sevrage. Je suis seule, en pleurs, sur le canapé. Mon mari me dit au revoir très vite fait, il a un week-end de prévu et il doit aller prendre le train. Je préfèrerais qu’il reste avec moi mais il ne sent pas, ou ne veut pas sentir, mon désarroi. Le monde s’effondre sous mes pieds, je me sens seule, si seule. 

Tombant dans un gouffre…

Je suis épuisée, mon taux d’hémoglobine est toujours très bas, chaque geste du quotidien est difficile alors comment aurais-je encore la force de recréer d’autres projets ? Pourquoi les autres mamans peuvent accoucher en 10 heures, sans épidurale, être en forme après et pouvoir allaiter de manière exclusive durant 6 mois alors que pour moi ce n’est pas possible ? 

Je ne suis pas la maman que j’avais imaginé, j’ai failli, encore une fois à mon rôle de mère, « pas capable » de protéger et donner à mon bébé ce dont il a besoin. Je ne dors plus, tenaillée par l’angoisse. Que va devenir mon bébé? Va-t-il ressentir un manque si je ne l’allaite pas ? Bien évidemment ! Il ne va pas pouvoir bénéficier d’un contact contre moi, comme lorsqu’il serait allaité, lors de chaque biberon. Il va avoir un manque… déjà que je n’ai pas pu le garder contre moi après sa naissance. Et puis, il n’aura pas d’anticorps dans du lait en poudre. Mauvaise mère que je suis, je ne pourrai pas l’aider à se défendre contre les microbes. Je visualise un trou dans lequel je tombe et il n’y a rien à quoi je peux m’accrocher, je tombe, je continue de tomber sans fin, le tunnel est long. Et cette vision m’accompagnera quotidiennement, plusieurs fois par jour même.

Je ressasse cette histoire d’allaitement raté à mes yeux. Puis me vient une idée : est-ce possible de continuer tout de même d’allaiter sur quelques mois tout en complétant avec du lait en poudre ? Personne ne m’a parlé de cette option, je dois donc rêver. Je suis donc la plus incapable des mères…… Voici le genre de pensées qui traversent régulièrement mon esprit 

Tout le monde sait que je suis mauvaise mère… 

Les voisins me voient bien laver les biberons vu que mon évier est devant la fenêtre, ils savent donc tous que je ne suis pas une bonne maman. Et les passants qui me dévisagent dans la rue, ils voient aussi que j’ai mauvaise mine et que je n’assure rien. Voilà pourquoi la maman qui promenait son bébé au parc, toute belle elle, ne m’a pas répondu quand je l’ai salué. Elle voyait que j’étais une mère qui n’est pas capable de répondre aux besoins primaires de son enfant. 

Je me sens toujours très seule, je vois peu de monde car mon mari travaille, fait du sport et rentre tard, mes amies n’ont pas d’enfants et sont au travail également. Ma famille vit à plus d’une heure de route et tout le monde travaille.  

Un jour, en changeant mon bébé, je lui parle, il me fixe dans les yeux et il me regarde d’une manière qui m’interpelle. On dirait qu’il y a un air de reproche dans son regard. Est-ce qu’il aurait en fait la capacité de réflexion d’un adulte et qu’il est conscient de tout ce qui se passe autour de lui ? Lui aussi me juge… « pas capable »… 

Quand je parviens parfois à somnoler, la mère de mon mari fait son apparition dans ma tête. Elle qui appelle souvent son fils pour prendre des nouvelles du bébé et qui ne peut s’empêcher de juger tous mes faits et gestes. Elle, qui doit toujours contredire toutes mes actions dans la réalité, me harcèle carrément dans mon sommeil. Elle me dit que je fais tout de travers, que le développement de mon enfant est menacé, qu’elle viendra le sauver. Elle ajoute qu’il sera mieux avec elle qu’avec moi… Je la vois m’arracher mon bébé, vouloir me faire du mal pour m’éliminer et prendre mon fils. 

Et mes hallucinations rejoignent la réalité le jour où nous disons que nous comptons partir en vacances quand notre bébé aura 4 mois. Elle répond alors que nous devrions le laisser chez elle et partir seuls, qu’il serait mieux avec elle plutôt qu’en vacances avec nous. Panique totale en moi et je tombe dans un trou encore plus profond. Je suis alors complètement convaincue qu’elle cherche à me voler mon bébé. Elle qui n’a pas pu profiter des ses propres enfants veut réparer et revivre quelque chose avec mon bébé. Sa présence sera alors constante dans ma tête, nuit et jour. 

Dans mon esprit, je jongle donc avec ma belle-mère, le trou dans lequel je tombe et le sentiment d’incompétence qui m’envahit de plus en plus. Je réalise que ma situation n’est pas normale le jour où je vois ma voisine d’en face fermer son store et que je pense que c’est à cause de moi ; qu’elle est tellement fâchée contre moi de ne pas allaiter mon enfant, qu’elle ferme son store pour ne pas me voir laver les biberons. 

Moment de lucidité: je demande de l’aide

Un brin de lucidité me foudroie… je suis en pleine dépression… voire même plus ! Oui ma belle mère est envahissante et intolérante aux autres idées mais elle n’est pas là ; mon bébé est tout à fait normal et s’il me regarde c’est parce qu’il m’observe et non parce qu’il a une conscience sur dimensionnée ; mes voisins n’ont aucun problème avec moi que j’allaite ou pas ; et ce trou noir, il serait le moment que je trouve une corde pour m’y accrocher et essayer de remonter à la lumière. 

Au quotidien, j’essaie de focaliser sur mon bébé, il est tranquille, souriant, je l’aime plus que tout au monde mais ce n’est pas facile et je tiens absolument à ce que le lien affectif  avec lui ne pâtisse pas de ce qui se passe dans ma tête. Il faut que je me fasse aider, je dois me ressaisir et gagner cette bataille contre moi-même. 

Je n’ose pas parler de ce que je vis avec mon mari car j’ai honte et j’ai peur de l’effrayer. Alors je prends mon courage à deux mains et j’en discute avec ma sœur qui me confirme que ce que je vis n’est pas normal. Elle me donne les coordonnées du service de psychologie de la maternité où j’ai accouché. 

Me voilà donc une semaine plus tard dans le cabinet du psychologue, il me confirme que j’ai vécu un traumatisme à la naissance de mon fils et il me donne un questionnaire à remplir pour évaluer si je suis en dépression post partum. 

Surgit alors le point « j’ai déjà pensé à me faire du mal »… bien évidemment ! Oui, il m’arrive parfois de penser que je devrais peut-être mettre fin à mes jours. Fort heureusement, cette pensée est vite chassée par la raison ; je ne veux pas laisser mon bébé sans sa maman car cela provoquerait un traumatisme énorme chez lui. De plus, il y a de nombreux moments de bonheur qui nous attendent une fois que j’irai mieux, cela vaut la peine que je me batte.  Je coche NON sur le formulaire car je n’ai pas envie d’être hospitalisée ; une séparation avec mon enfant ne m’aiderait pas à reprendre le dessus, bien au contraire. La présence de mon fils me fait beaucoup de bien et j’estime que le lien d’attachement que nous avons est encore sain, j’ai aussi peur que les services sociaux me retirent mon enfant. C’est pourquoi je ne dis pas au psychologue que des idées suicidaires m’ont traversé l’esprit. Je suis convaincue que se sont seulement des idées et que je ne passerai jamais à l’acte ; pour ça je me fais confiance à 100 %. 

Il m’oriente vers sa collègue qui pratique une thérapie élaborée pour les personnes ayant vécu des traumatismes et après quelques séances, je me sens déjà plus légère. Je déculpabilise, je prends de la distance avec mes visions et j’acquière quelques armes pour mieux les dompter. 

En ce qui concerne l’allaitement, quelques jours après la visite de la sage femme qui m’a conduit dans ce trou noir, je décide de tenir tête à tous ses conseils de sevrage et je contacte une infirmière spécialisée en allaitement. J’allaite à chaque repas, puis je donne un biberon de lait en poudre, ça sera déjà ça de pris pour mon fils. L’infirmière me confirme qu’il est possible de nourrir un bébé de cette manière, qu’il faut également utiliser un tire lait mais que je peux tout à fait allaiter partiellement mon bébé sur quelques mois. Cela requiert une bonne organisation mais je suis contente de pouvoir offrir ce que je peux à mon fils. Le temps fait son travail aussi et j’accepte mieux la situation. 

L’infirmière me rappelle que la relation avec mon bébé est à privilégier sur l’allaitement mais que je peux continuer ce rythme tant que cela va pour moi et pour mon enfant. Je garde ce conseil dans un coin de ma tête et un jour, je décide qu’il est temps de stopper tous ces efforts. Nous allons passer aux biberons de lait en poudre uniquement et profiter de passer plus de temps pour jouer ensemble. Cette décision n’est pas facile à prendre car je dois faire le deuil d’un projet très important pour moi mais je m’enlève un poids. 

Je continue les séances hebdomadaires avec la psychologue et je me sens mieux, plus en confiance. Les hallucinations disparaissent petit à petit et j’ose enfin me laisser aller quand je suis fatiguée. Mais je dois m’endormir sur le canapé devant la télé car si je me couche dans mon lit, elles reviennent parfois et je ne suis pas prête à les gérer seule le soir. 

Enfin la reprise d’une vie “normale”

Il m’a fallu 5 mois en tout après mon premier contact avec la psychologue pour me considérer comme “guérie” et pouvoir m’endormir, dans mon lit, seule et sans devoir occuper mes pensées par un leurre. 

Le type de thérapie a certainement eu un bon impact sur moi et le temps a fait son travail également. Aujourd’hui, cela fait 5 ans que j’ai vécu ce traumatisme et je ne ressens plus de culpabilité par rapport à la naissance ou à l’allaitement. Un peu de tristesse de ne pas avoir pu mener à bien mes projets mais j’accepte que cela ne se passe pas toujours comme prévu. Je n’ai d’ailleurs fait aucun projet de naissance pour mes 2 autres enfants et je savais que le même scénario risquait de se reproduire pour l’allaitement. 

J’ai vécu sur un fil les premiers mois après la naissance de mes 2 derniers, c’était un peu une lutte de tous les jours mais cette première expérience m’a donné de la force et j’avais plus confiance en moi. 

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emmacdo

Currently working in marketing and comms in Amsterdam. Passionate about all things digital, writing, dancing, travelling and much more. Mental health blogger and advocate.

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